En silence Les yeux des morts.
Photographies
France / 2017-2021

Percuter et écraser des animaux en voiture est d’une terrifiante banalité : le phénomène du Roadkill participe directement, avec l’étalement urbain et le développement des infrastructures routières, à la raréfaction d’espèces menacées comme le hérisson, jonchant quotidiennement les routes et autoroutes de milliers de cadavres pathétiques rapidement aplatis et méconnaissables – lesquels nous restent invisibles parce que nous les considérons comme des carcasses et non des défunts. Illustrations de l’hégémonie humaine sur un monde «naturel» de plus en plus fragmenté, ces tueries, commises pour nombre d’entre elles par simple négligence, démontrent notre absence d’empathie pour les animaux, si ce n’est à travers un fugitif sentiment de culpabilité rapidement soldé au moyen d’un argument aussi imparable qu’un pare-choc pour un blaireau aveuglé par les phares à la tombée de la nuit : notre incapacité à éviter un obstacle à une vitesse donnée sur une bande de bitume censée n’appartenir qu’au règne humain.

Cette anthropisation du territoire soulève de fait des questionnements éthiques qui émergent de façon prégnante dans un contexte où la consommation d’animaux est devenue un enjeu indissociable des préoccupations écologiques. Derrière leurs yeux vitreux ou excavés par les larves – que l’on ne distingue parfois plus dans une informe bouillie sanguinolente ou purulente – les animaux récemment tués ou réduits à l’état de charognes nous renvoient la violence de notre rapport méprisant à notre environnement, et pour ceux qui acceptent d’interroger jusqu’au bout notre légitimité à détenir le droit de vie ou de mort sur des êtres jugés inférieurs, à toucher du doigt les fondements de l’antispécisme. Ces images leur rendent une individualité posthume, malgré l’horreur inspirée par des dépouilles qui, si elles étaient humaines, feraient l’objet d’une censure communément admise. Elles nous rappellent qu’aucun être sentient ne veut mourir, et nous font entrevoir la nécessité et l’urgence de reconsidérer la cohabitation homme-animal sous un angle véritablement altruiste: d’abord en dépassant le stade d’une domination rationnellement injustifiable, et ensuite en instaurant un nouveau mode de cohabitation au sein d’un monde multi-spéciste dans lequel peu d’entre nous sont encore pour le moment capables de se projeter.

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